10 d¨¦cembre 2020

? la fin de f¨¦vrier 2020, je me suis rendue ¨¤ Kutupalong, le plus grand camp de r¨¦fugi¨¦s du monde situ¨¦ pr¨¨s de Cox¡¯s Bazar, au Bangladesh, o¨´ vivent plus de 700 000 Rohingyas qui ont fui les violences extr¨ºmes au Myanmar en ao?t 2017. Je souhaitais voir les progr¨¨s accomplis ¨C comment les dons g¨¦n¨¦reux promis par le biais de mon organisation, USA for UNHCR, ¨¦taient utilis¨¦s par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les r¨¦fugi¨¦s (HCR) ¨C et identifier les difficult¨¦s ainsi que les d¨¦fis qui subsistaient. Le virus ¨¤ l¡¯origine de la pand¨¦mie de COVID-19 se propageait en Asie et avait commenc¨¦ ¨¤ se manifester en Iran et en Italie. M¨ºme ¨¤ ce stade pr¨¦coce, il ¨¦tait clair que nous ¨¦tions confront¨¦s ¨¤ une crise sanitaire.

Apr¨¨s avoir rencontr¨¦ pendant quatre jours le personnel du HCR ainsi que les r¨¦fugi¨¦s qui faisaient des efforts pour assurer la protection, l¡¯¨¦ducation et les soins de sant¨¦ dans le camp, j¡¯ai ¨¦t¨¦ impressionn¨¦e par la stabilit¨¦ qu¡¯ils avaient cr¨¦¨¦e ensemble. Si les ressources ¨¦taient rares et les conditions de vie rudimentaires, il existait un sentiment de normalit¨¦ et une grande solidarit¨¦. Les installations de soins de sant¨¦ ¨¦taient bien ¨¦quip¨¦es, une formation ¨¤ l¡¯¨¦ducation ¨¦tait offerte aux r¨¦fugi¨¦s, les abris ¨¦taient renforc¨¦s et il ¨¦tait possible de travailler et d¡¯occuper des postes de direction dans la communaut¨¦. Les enfants rohingyas participaient ¨¤ la vie du camp et s¡¯¨¦panouissaient dans les centres d¡¯apprentissage.

Un mois plus tard, isol¨¦e chez moi aux ?tats-Unis avec ma famille, je me suis demand¨¦ avec inqui¨¦tude ¨¤ quelle rapidit¨¦ ces progr¨¨s risquaient d¡¯¨ºtre an¨¦antis.

Alors que des mesures sanitaires de pr¨¦vention ¨¦taient mises en ?uvre dans le monde entier pour diminuer la propagation de la COVID-19, le personnel ainsi que les programmes humanitaires avaient ¨¦t¨¦ r¨¦duits dans le camp. ? Kutupalong, tout ce qui ne relevait pas des services les plus essentiels ¨¦tait mis en suspens. En plus, le camp n¡¯avait plus d¡¯acc¨¨s ¨¤ l¡¯Internet, une d¨¦cision prise en 2019 par le Gouvernement du Bangladesh. Les r¨¦fugi¨¦s rohingyas ¨¦taient donc coup¨¦s du monde, ne recevant aucune information en temps r¨¦el concernant le virus au Bangladesh et ailleurs et sans contact avec leurs amis et leur famille dans le monde. 

Aux ?tats-Unis, pour la plupart d¡¯entre nous, un monde sans l¡¯Internet est inimaginable. Nous l¡¯utilisons toute la journ¨¦e, tous les jours, sur notre lieu de travail, en parcourant de nombreux emails et en effectuant d¡¯innombrables recherches en ligne pour notre foyer ou pour notre divertissement. Mais m¨ºme dans ce pays riche dot¨¦ de technologies de pointe, patrie de la Silicon Valley et berceau des g¨¦ants de la technologie, 15 % d¡¯Am¨¦ricains n¡¯ont pas acc¨¨s ¨¤ l¡¯Internet ¨¤ haut d¨¦bit. 

Si cette pand¨¦mie nous a appris quelque chose, c¡¯est que la connectivit¨¦ est absolument n¨¦cessaire ¡ª pour les communaut¨¦s, aux ?tats-Unis et dans le monde. Et elle a tragiquement mis en ¨¦vidence deux r¨¦alit¨¦s tr¨¨s diff¨¦rentes pour ceux qui sont connect¨¦s et pour ceux qui ne le sont pas.

Pour ceux qui ont acc¨¨s ¨¤ l¡¯Internet, la connectivit¨¦ est consid¨¦r¨¦e comme un outil permettant de survivre ¨¤ la pand¨¦mie. Au niveau le plus ¨¦l¨¦mentaire, elle a permis de s¡¯assurer que les personnes pr¨¦sentant des sympt?mes de la COVID-19 savent quand et comment s¡¯isoler et r¨¦duire les risques d¡¯exposition de leur famille, des agents de sant¨¦ et des pourvoyeurs de soins. Pour les personnes connect¨¦es, certains aspects essentiels de la vie quotidienne sont maintenus : les enfants apprennent dans des classes virtuelles, les personnes qui ont la chance de travailler chez elles ont conserv¨¦ leurs moyens de subsistance, et nous restons en contact avec nos amis et notre famille gr?ce aux appels vid¨¦o.

Ceux qui ne sont pas connect¨¦s vivent dans un monde tr¨¨s diff¨¦rent, d¡¯autant plus pendant la pand¨¦mie, et ces disparit¨¦s sont parmi les plus flagrantes parmi les communaut¨¦s de r¨¦fugi¨¦s. La protection et l¡¯¨¦ducation ¨¤ distance, ainsi que les services de soutien psychosocial et d¡¯aide ¨¤ la subsistance, ne sont pas possibles sans acc¨¨s aux donn¨¦es mobiles. Le manque de connectivit¨¦ isole encore davantage les r¨¦fugi¨¦s des membres de leur famille qu¡¯ils ont parfois d? abandonner lors de conflits et dans d¡¯autres circonstances difficiles. Les communaut¨¦s de r¨¦fugi¨¦s ne peuvent pas s¡¯organiser ni se prendre en charge, ce qui les emp¨ºche de s¡¯engager sur la voie de l¡¯autonomie. Le manque de connectivit¨¦ limite ¨¦galement l¡¯innovation dans l¡¯aide humanitaire ¨¤ un moment o¨´ une telle transformation n¡¯a jamais ¨¦t¨¦ aussi n¨¦cessaire.

Cette ann¨¦e, le th¨¨me de la Journ¨¦e des droits de l¡¯homme met l¡¯accent sur la n¨¦cessit¨¦ et la possibilit¨¦ de mieux reconstruire apr¨¨s la pand¨¦mie en s¡¯assurant que les droits de l¡¯homme sont au centre de ces efforts de reconstruction. Et il va sans dire que la connectivit¨¦ devrait ¨ºtre un droit de l¡¯homme. Elle permet l¡¯acc¨¨s ¨¤ l¡¯information, ¨¤ l¡¯¨¦ducation et aux possibilit¨¦s. Pour les r¨¦fugi¨¦s, la connectivit¨¦ num¨¦rique est souvent un moyen d¡¯acc¨¦der ¨¤ des services de base comme les transferts d¡¯argent, les demandes d¡¯emploi et l¡¯acc¨¨s ¨¤ des conseils ou ¨¤ des soins de sant¨¦ en ligne. Sans un acc¨¨s s?r et abordable ¨¤ l¡¯Internet pour tous, nous ne parviendrons jamais ¨¤ l¡¯¨¦quit¨¦ dans aucun de ces domaines. C¡¯est pourquoi le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies a cr¨¦¨¦ le Plan d¡¯action pour la coop¨¦ration num¨¦rique afin d¡¯atteindre la connectivit¨¦ universelle d¡¯ici ¨¤ 2030.

Le HCR, en partenariat avec Microsoft, a mis en ?uvre une initiative visant ¨¤ fournir des comp¨¦tences num¨¦riques ¨¤ des r¨¦fugi¨¦s comme Grace ainsi qu¡¯¨¤ des membres de la communaut¨¦ d¡¯accueil ¨¤ Kakuma, au Kenya. ?HCR/Hannah Maule-Ffinch

Le 28 ao?t de cette ann¨¦e, le Gouvernement du Bangladesh a r¨¦tabli l¡¯acc¨¨s ¨¤ l¡¯Internet dans les camps de r¨¦fugi¨¦s de Cox¡¯s Bazar, une avanc¨¦e importante qui a permis aux organisations humanitaires de diffuser largement des informations cruciales sur la COVID-19 et aux enfants de b¨¦n¨¦ficier de programmes d¡¯¨¦ducation ¨¤ distance, r¨¦pondant ¨¤ leurs besoins ¨¤ long terme en mati¨¨re d¡¯¨¦ducation.

Alors que les pays dans le monde luttent contre la pand¨¦mie et prennent des mesures pour fournir des solutions visant ¨¤ assurer des soins de sant¨¦, un apprentissage ¨¤ distance ainsi que des moyens de subsistance, personne ne doit ¨ºtre laiss¨¦ pour compte. La fiabilit¨¦ de la connectivit¨¦ mobile et de l¡¯Internet est essentielle pour permettre ¨¤ tous de b¨¦n¨¦ficier des avantages ¨¦conomiques et sociaux de la r¨¦volution num¨¦rique. En appliquant ce nouveau droit de l¡¯homme, les citoyens du monde peuvent ¨ºtre les acteurs de leurs propres progr¨¨s dans la dignit¨¦ et l¡¯autonomie. Garantir l¡¯acc¨¨s ¨¤ une connectivit¨¦ ¨¤ l¡¯Internet abordable et utilisable est r¨¦alisable et porteur de changement, et le secteur priv¨¦ ainsi que les partenaires aux niveaux national, r¨¦gional et local qui partagent cette vision audacieuse et ambitieuse peuvent jouer un r?le crucial ¨¤ cette fin.  

Pour sortir de cette crise sanitaire mondiale et reconstruire en mieux pour l¡¯avenir, nous devons faire davantage pour promouvoir les droits sociaux, culturels ainsi que les droits de l¡¯homme, et les prot¨¦ger. Nous avons tous le droit, quel que soit notre pays ou notre communaut¨¦, de faire partie d¡¯une soci¨¦t¨¦ connect¨¦e et d¡¯avoir acc¨¨s aux technologies qui nous permettent de construire un meilleur avenir pour nous-m¨ºmes, notre famille et le monde.

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