La r¨¦ponse des communaut¨¦s religieuses face au VIH/sida a initialement ¨¦t¨¦ le doute, ensuite le d¨¦ni, puis l'h¨¦sitation au nom de la morale - voir m¨ºme la d¨¦nonciation directe - pour finalement s'inscrire dans le cadre d'une r¨¦ponse de port¨¦e mondiale. Cela montre ¨¤ la fois la force et les d¨¦fis que repr¨¦sentent les croyances, les morales et la th¨¦ologie. Cela montre aussi qu'une action commune sur une question aussi importante que le partage des pr¨¦occupations peut permettre de r¨¦duire le foss¨¦ entre la foi et la culture.

Environ trois quarts de la population mondiale d¨¦clarant faire partie d'une communaut¨¦ religieuse, il n'est pas surprenant que les ¨¦glises soient engag¨¦es dans la lutte contre le VIH/sida. Ce qui est surprenant c'est l'ampleur de cet engagement. Selon l'Organisation mondiale de la sant¨¦, entre 30 ¨¤ 70% des soins de sant¨¦ en Afrique sont g¨¦r¨¦s par des organisations confessionnelles et, dans de nombreux cas, les dispensaires et les h?pitaux dirig¨¦s par des organisations religieuses sont les seuls centres m¨¦dicaux existants1. Comme l'illustre une ¨¦tude de l'African Religious Health Assets Programme men¨¦e en Zambie et au Lesotho3, il est urgent de recueillir des donn¨¦es d¨¦taill¨¦es2. Elle a r¨¦v¨¦l¨¦ que 30 ¨¤ 40% de la totalit¨¦ des soins de sant¨¦, respectivement dans ces deux pays, sont g¨¦r¨¦s par des centres de sant¨¦ chr¨¦tiens. En plus de jouer un r?le essentiel dans la fourniture de soins aux personnes vivant avec le VIH/sida, les ¨¦glises s'impliquent ¨¦galement dans la pr¨¦vention et l'¨¦ducation et fournissent des conseils. Mais leur r?le dans la prise en charge des orphelins est probablement primordial dans le long terme. Avec environ 20 millions d'enfants orphelins du sida dans le monde, les soins dispens¨¦s par les organisations religieuses sont un autre domaine d'engagement important en Afrique4.

Le nouvel objectif de r¨¦duire ¨¤ z¨¦ro le nombre de nouvelles infections que se sont fix¨¦ ceux qui sont engag¨¦s ¨¤ pr¨¦venir la propagation du VIH/sida est en soi incroyable, car un tel objectif aurait sembl¨¦ irr¨¦alisable il y a seulement quelques ann¨¦es. Les m¨¦dicaments actuels peuvent emp¨ºcher le virus de d¨¦truire le syst¨¨me immunitaire. Depuis 1996, le traitement antir¨¦troviral pour le VIH, en association avec trois autres m¨¦dicaments ou plus, a non seulement am¨¦lior¨¦ la qualit¨¦ de vie des personnes vivant avec le VIH, mais permis de r¨¦duire le nombre de morts pr¨¦coces dans les pays o¨´ il est tr¨¨s accessible. Toutefois, ces m¨¦dicaments n'¨¦liminant pas le VIH de l'organisme, il faut poursuivre le traitement, ce qui pose des d¨¦fis importants dans le maintien d'un approvisionnement fiable en m¨¦dicaments ainsi qu'en termes de co?ts et d'¨¦galit¨¦ dans la distribution6.

Autre bonne nouvelle : la pr¨¦valence chez les jeunes a baiss¨¦ de plus de 25% dans 15 des 21 pays les plus touch¨¦s et le nombre total de d¨¦c¨¨s caus¨¦s par le sida continue de diminuer chaque ann¨¦e. C'est encourageant, m¨ºme si le nombre total de d¨¦c¨¨s associ¨¦s au sida dans la r¨¦gion s'¨¦levait ¨¤ deux millions en 2009. On estime qu'une personne sur 200 est infect¨¦e dans le monde et que, dans certaines villes africaines, une personne sur trois ?g¨¦es de 15 ¨¤ 16 ans est infect¨¦e. M¨ºme si cette crise ne fait plus la une des m¨¦dias, elle n'en demeure pas moins une crise.

Le sida est une maladie qui pourrait ¨ºtre en grande partie ¨¦vit¨¦e si les gens modifiaient leurs comportements. Cela n'est manifestement pas simple comme, par exemple, dans le cas du tabagisme o¨´ l'attitude normative du gouvernement et du public ¨¦tait attendue et largement l'approuv¨¦e. C'est, de fait, la sp¨¦cificit¨¦ des pr¨¦ceptes moraux et des attitudes morales envers les comportements qui ont constitu¨¦ l'un des domaines critiques, les communaut¨¦s religieuses donnant parfois l'impression de porter un jugement critique envers ceux qui vivent avec le VIH/sida7. Les campagnes concernant l'abstinence et l'utilisation de pr¨¦servatifs ont ¨¦galement donn¨¦ lieu ¨¤ des controverses. De nombreux chefs religieux n'ont pas m¨¦nag¨¦ leurs efforts pour aborder ces points et lorsqu'on ¨¦tudie la th¨¦ologie chr¨¦tienne dans son int¨¦gralit¨¦, on peut voir qu'elle comporte un message positif qui m¨¦rite d'¨ºtre mieux compris et mieux expliqu¨¦. Si certaines perspectives semblent ¨ºtre sp¨¦cifiques aux points de vue du monde chr¨¦tien, il y a toutes les raisons de penser que le contenu positif peut avoir une application beaucoup plus vaste.

La discrimination ou la violence ¨¤ l'¨¦gard d'une personne parce qu'elle est contamin¨¦e par le VIH ou a le sida sont donc et intrins¨¨quement non seulement injustifi¨¦es, mais injustes. La valeur et la dignit¨¦ de l'¨ºtre humain ont des cons¨¦quences importantes, car elles portent en elles une obligation. C'est le devoir de vivre et d'exprimer cette dignit¨¦ en actes qui refl¨¨tent notre responsabilit¨¦ personnelle en tant qu'agents moraux pour aider les autres et vivre notre vie de mani¨¨re responsable. Une obligation existe donc, ¨¤ la fois au niveau individuel et dans la soci¨¦t¨¦ o¨´ nous vivons, tout en garantissant le respect des autres et leur bien-¨ºtre. Les ¨¦glises ont une responsabilit¨¦ particuli¨¨re de montrer et d'offrir un exemple de la r¨¦alisation de ce devoir.

Il y a ¨¦galement deux autres perspectives ¨¤ ajouter. La premi¨¨re est la croyance des chr¨¦tiens que Dieu, bon et g¨¦n¨¦reux, dans la souffrance et la mort du Christ, a finalement apport¨¦ la joie de la r¨¦surrection de P?ques dans le monde. D'un point de vue, cette id¨¦e chr¨¦tienne peut sembler ¨¦troite, mais d'un autre, elle participe ¨¤ une universalit¨¦ en affirmant une aspiration humaine commune dans le message d'espoir. Elle indique la possibilit¨¦ d'un monde qui peut ¨ºtre transform¨¦, rachet¨¦ et uni. De plus, malgr¨¦ les nombreuses tensions entre les traditions religieuses, des initiatives ont ¨¦t¨¦ r¨¦cemment lanc¨¦es comme la lettre ouverte ? Un monde commun entre nous et vous ?8 adress¨¦e aux chefs religieux musulmans qui vise ¨¤ honorer notre obligation commune de non seulement aimer Dieu ou le bien, mais aussi notre prochain.

En d¨¦battant du r?le des organisations religieuses dans les soins prodigu¨¦s aux personnes infect¨¦es par le VIH/sida, il est devenu clair que ce domaine fait d¨¦j¨¤ l'objet d'une coop¨¦ration multiconfessionnelle. Savoir que nous avons une base th¨¦ologique commune pour le faire, en vertu de l'obligation commune d'aimer son prochain, est assur¨¦ment un lien qui peut promouvoir l'harmonie et les relations en surmontant les divisions pass¨¦es. Il est aussi important de noter que pour que cette r¨¦ponse soit authentique, elle doit ¨ºtre profond¨¦ment enracin¨¦e dans les richesses et les ¨¦l¨¦ments sp¨¦cifiques de la foi ainsi que dans l'appel commun d'aimer son prochain. Au milieu de l'¨¦pid¨¦mie du VIH/sida, comprendre que notre prochain n'est autre que l'¨ºtre humain et l'enfant de Dieu dans le besoin que nous sommes appel¨¦s ¨¤ aider, serait une b¨¦n¨¦diction.
Notes
1 Donn¨¦es de l'ONUSIDA : .

2 Le projet Mapping Religious Health Assets, promu conjointement par la CIFA et l'OMS, vise ¨¤ examiner ce manque de donn¨¦es essentielles et ¨¤ recueillir des donn¨¦es concr¨¨tes sur l'ampleur du travail entrepris dont chacun sait qu'il est important mais pas encore mesur¨¦ : . Pour un point de vue assez pol¨¦mique concernant le manque de connaissances sur le travail r¨¦alis¨¦, voir Ann Widdecombe ? If only the Catholic Church did PR ?, The Guardian, 7 septembre 2010 : .

3 ? Appreciating Assets: The Contribution of Religion to Universal Access in Africa ?, Organisation mondiale de la sant¨¦ (Le Cap:ARHAP, octobre 2006), .

4 Un certain nombre de sources sont disponibles dans de nombreuses ¨¦glises, l'¨¦glise ci-apr¨¨s illustrant le travail r¨¦alis¨¦ au Kenya. En ce qui concerne l'?glise ¨¦vang¨¦lique luth¨¦rienne, voir: and Bill Black, ? HIV/AIDS and the Church: Kenyan Religious Leaders Become Partners in Prevention ?, FHI, (2011). ainsi que de Catherine N. Machyo, ? The Catholic Church and the HIV/AIDS Pandemic in Kenya: An Exploration of Issues ?, .

5 Parvenir ¨¤ z¨¦ro infection : Strat¨¦gie 2011-2015, Programme commun sur le VIH/sida (ONUSIDA), 2010.

6 Pour une discussion sur les meilleures pratiques et options m¨¦dicales, voir le rapport ? Promising and best practices in STI/HIV/AIDS prevention and care in West and Central Africa (AWARE-HIV/AIDS, 2006) ?, .

7 Un autre domaine de tension possible concerne l'utilisation des pr¨¦servatifs, m¨ºme s'il y a des signes de convergence sur des questions comme l'importance de l'abstinence. Paul Jeffrey, ? Expert: UN study backs Church strategy on Aids ?, Catholic Herald, 21 juillet 2010, .

8 Pour de plus amples d¨¦tails, voir le site web officiel: .