Dans la ville de Lunzu, 脿 environ 8 miles de Blantyre, la capitale commerciale du Malawi, les autoroutes rugissent au son des motos-taxis qui se faufilent entre les voies r茅serv茅es aux voitures. 聽Conduites principalement par de jeunes hommes d'une vingtaine d'ann茅es, les motos portent des noms de marque comme Jiangsu, Lifan ou Lifo.
Il s'agit d'une occupation essentiellement masculine. Il n'y a gu猫re de femme en vue qui conduise une moto.
Pourtant, un nombre croissant de femmes entrepreneurs mettent discr猫tement leur argent en commun dans des clubs f茅minins, en vue de quelque chose de plus lucratif : acheter d'embl茅e les motos et les louer aux conducteurs masculins.
"L'accord est que nous empochons 65 % des recettes du jour", explique Sarah Showe, l'une des femmes entrepreneurs. Le conducteur prend le reste.
Pas de femme au guidon
L'incapacit茅 des femmes 脿 trouver du travail en conduisant des taxis-motos est le reflet d'un d茅fi soci茅tal plus large li茅 aux pr茅jug茅s et 脿 la violence sexiste - une femme malawienne sur trois entre 15 et 49 ans a 茅t茅 confront茅e 脿 la violence sexuelle, selon une 茅tude de 2018 publi茅e dans le BioMed Central.
"Socialement, il est tr猫s mal vu ici pour les femmes de faire tourner des motos-taxis et de marchander pour les passagers dans des stations de taxis remplies d'hommes", explique Mme Showe, qui loue trois motos par jour 脿 des hommes.
Son amie, Lomu Thomsonu, enseignante, a un jour tent茅 de d茅fier les normes pendant ses vacances scolaires. Cela s'est mal termin茅. "Lorsque nous avons essay茅 en 2017, les clients insultaient les femmes conductrices sur l'autoroute et les clients masculins refusaient de payer les femmes conductrices, la nuit. Tant de choses ont mal tourn茅", dit-elle.
Finalement, en juillet 2017, le Lunzu Women's Motorcycle Fund Club, un groupe de 40 femmes entrepreneurs, a 茅t茅 cr茅茅 dans le but de poss茅der les motos-taxis et de les g茅rer en coulisses.
"Il s'est depuis d茅velopp茅 en 10 clubs de 40 femmes entrepreneurs chacun dans la grande ville de Blantyre, une ville d'environ 800 000 habitants", explique Carter Mavhiza, un comptable qui a aid茅 les femmes 脿 obtenir les motos 脿 un prix abordable. 聽聽
Les femmes g茅n猫rent de nouveaux revenus
脌 Lunzu, une ville de 17 000 habitants, des centaines de taxis-motos transportent tout et n'importe quoi, des femmes enceintes qui vont 脿 l'h么pital aux banquiers qui vont travailler, aux enfants de la maternelle qui vont 脿 l'茅cole, ou m锚me des meubles et des sacs de ciment.
"脌 Lunzu, ils comblent une lacune critique car nous ne disposons pas d'un v茅ritable syst猫me de transport en commun par bus ou de plateformes de taxis num茅riques comme Uber", ajoute M. Mavhiza.
Ainsi, alors que des femmes comme Mme Showe et Mme Thomsonu sont effectivement "interdites" de conduire des taxis-motos, elles sont fi猫res d'锚tre propri茅taires de motos. Comme le r茅v猫le Mme Thomsonu : "Une moto Lifan en bon 茅tat de marche rapporte environ 15 dollars par jour. Mon chauffeur-cycliste masculin empoche environ 6 $ de l'affaire. Et les jeunes hommes travaillent de 6h du matin 脿 18h30 le soir".
Pour d'autres femmes propri茅taires de motos comme Chifundo Magombo, 38 ans, une planteuse de haricots dans la ville de Blantyre, l'exclusion de la conduite de ces motos-taxis a 茅t茅 une b茅n茅diction d茅guis茅e. Les jeunes hommes conduisent les motos tandis que Mme Magombo et d'autres femmes propri茅taires lib猫rent leur temps pour faire d'autres travaux g茅n茅rateurs de revenus qui contribuent 脿 accro卯tre les activit茅s agricoles ou 脿 payer les frais de garde d'enfants.
Pour Mme Thomsonu, l'enseignante, cette nouvelle source de revenus renforce ses fonds de retraite. Elle d茅clare : "Ma pension d'enseignant de 7 000 dollars ne me durera m锚me pas deux ans. Acheter des motos maintenant me semble 锚tre une bonne d茅cision".
Une communaut茅 croissante de femmes propri茅taires
Certains gouvernements municipaux du Malawi ont maintenant commenc茅 脿 encadrer les femmes propri茅taires de motos. Par exemple, le conseil du district de Mchinji, dans l'ouest du Malawi, organise des parrainages pour mettre en relation les entrepreneurs et recommande des pr锚ts de 250 脿 779 dollars aux clubs de motocyclistes f茅minins enregistr茅s.
"Nous les encadrons et r茅digeons des lettres de r茅f茅rence afin qu'elles puissent obtenir des pr锚ts 脿 faible taux d'int茅r锚t aupr猫s de financiers priv茅s. C'est notre fa莽on d'assurer la parit茅 des sexes dans le secteur des motos-taxis. Cela permet de renforcer les finances des m茅nages f茅minins. En outre, les femmes sont plus fiables pour le remboursement des pr锚ts", explique Mwaimuna Mwanyali, conseiller 脿 Mchinji. 聽
Dans certaines villes du Malawi, l'茅mergence de clubs de femmes propri茅taires de motos a permis 脿 plus de femmes que d'hommes d'appartenir 脿 des syndicats.
"L'activit茅 des femmes propri茅taires de motos plut么t que de conductrice est en pleine croissance. Dans notre ville, nous avons maintenant 200 femmes qui sont syndiqu茅es. Les op茅rateurs masculins 茅vitent en grande partie les syndicats", d茅clare Stacy Harawa, pr茅sidente du Mzuzu Motorcycle Union, 脿 Mzuzu, la capitale touristique du nord du Malawi.
Pour une cotisation syndicale de 10 dollars par mois, les femmes propri茅taires de motos sont assur茅es contre les accidents qui pourraient an茅antir leurs biens, ajoute Mme Harawa. "Nous demandons 脿 l'autorit茅 fiscale du Malawi de r茅duire les frais de licence pour les femmes propri茅taires de motos, 脿 condition qu'elles soient membres d'un syndicat enregistr茅".
C'est super d'employer des hommes, conclut Mme Showe. "Je suis capable de cr茅er des emplois maintenant. J'emploie mes neveux masculins comme conducteurs de motocyclettes. Nous nous sommes mis d'accord sur des objectifs quotidiens. Les choses ont chang茅."
